Valhuon, d’abord son école
Ma mère me l’a souvent répété : elle m’a conduit le premier jour à l’arrêt, situé devant la mairie, et je suis monté sans même pleurer dans le bus blanc de monsieur Dubuche, et ensuite m’y rendais seul, à 400 mètres environ. Durant cinq ans, du petit dernier au statut de grand, quatre fois par jour, je suis monté dans ce bus, m’y suis assis… et pourtant pas le moindre souvenir de ma place, devant varier avec l’âge, ni de celles et ceux qui m’accompagnaient. G-1966, G-1965, F-1965 le prenaient forcément en 1974.
Monsieur Dubuche embarquait d’abord les enfants de Conteville (Agnès durant nos cinq années et au début, forcément aussi, deux filles plus âgées, ensuite il y en eut une autre, oui toujours des filles) puis s’arrêtait pour nous et il restait deux kilomètres tout juste jusqu’à l’école, le midi il nous ramenait pour le repas. Et toujours ponctuel. Aucun souvenir d’être arrivé en retard ni de l’avoir attendu à l’école. Et même jamais une crevaison.
Je me souviens de son menton en galoche, à monsieur Dubuche, très prononcé. Jamais revu ailleurs à ce point. En plus de son activité de transport chronophage, il tenait un petit magasin de restauration de fauteuils, matelas, avec la réputation de très bien travailler mais d’être très cher. Dans mes souvenirs, il m’en reste, il se prénommait André, et je l’ai sûrement retrouvé, né à Valhuon le 28 avril 1928, décédé le 18 juillet 2023 à Gauchin-Verloingt.
Mais rien sur son bus blanc, ni sur son travail, et un article sur son fils, de la Voix du Nord, réservé aux abonnés pour le développement mais dont les premières lignes m’ont semblé apocryphes.
« Originaire du village, Marc Dubuche, 58 ans aujourd’hui, y a installé son atelier de tapissier en 1982, au 5 rue de Tangry.
Le jeune homme avait de qui tenir en se lançant dans l’aventure de la création de sa petite entreprise. Il est en effet issu d’une famille d’artisans, où son grand-père était bourrelier, et son père matelassier. »
Il n’a pas « installé son atelier au 5 rue de Tangry », il a continué l’activité de son père, avec lequel il a d’abord travaillé. En 1982, André avait 54 ans, la France n’accordait pas encore la retraite à cet âge ! Le journaliste avait l’occasion d’expliquer qu’une génération plus tard, le même phénomène se reproduit, la transmission du père au fils d’un savoir, d’une activité, dans le même local. La photo de maître Google correspond à mes souvenirs, au croisement de la Tripette, même si l’entrée fut changée !
Pourquoi le père, le grand-père disons, est-il ignoré ? Un article de plumitif classique ! Ou un "correspondant de presse".
L’école de Valhuon fut essentielle dans ma vie, madame Mercier m’a appris à parler en français. En prétendant ne pas comprendre mon patois. J’avais six ans, donc six ans et demi au début de ma scolarité. Les enfants n’étaient pas assurés pour prendre le bus plus jeunes, me fut souvent répété. Pourtant Agnès, fille du maire de Conteville, a débuté la même année, malgré ses cinq ans. La loi avait changé ou alors il fallait payer. Les deux versions furent prononcées.
Avec madame Mercier, je n’y suis resté qu’une année, j’avais « rattrapé mon retard. » Puis CE1 – CE2 avec mademoiselle Turpin, CM1 – CM2 avec monsieur Mercier, inamovible directeur de l’école.
C’est lui qui m’avait répondu, quand comme les autres, je souhaitais jouer au ping-pong : la table avait été payée par la municipalité de Valhuon pour les élèves de Valhuon, donc je n’y avais pas droit. Pourtant Agnès fut autorisée. Mais elle était la fille du maire de Conteville. Je découvrais le sentiment d’injustice. J’ignorais alors, n’ayant pas de points de comparaison, avoir grandi dans un environnement de totale injustice mais là, la situation m’indignait. Pas de mot indignation à disposition mais c’était cela, et ma réaction s’est évaporée. De manière évident, je n’ai pas contesté ce diktat. Peut-être pleuré ? Réservée aux élèves ? On les entendait, les fils Mercier, les « grands », les dupont-dupond, je n’ai jamais su les distinguer, parfois s’amuser durant nos cours. Et le père de nous glorifier leurs prestations en club en plus de scolarités de cadors.
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